Littérature et poésie
Quand j’étais petit, une troupe de comédiens qui étaient venus jouer à Pornic m’attira plus que les leçons de logique… il m’arrivait de m’échapper de l’école grâce à la barque d’un pêcheur qui reliait directement la plage au château… un de mes oncles essaya de me donner goût à la médecine en m’emmenant avec lui dans ses visites aux malades… mais ce fut en vain… je me tirai à temps de cette aventure scabreuse… Plus tard, quelques étudiants montèrent une cabale contre moi et je fus expulsé du collège… je devais me mettre à travailler, sans renoncer aux distractions de mon âge… Je me souviens d’un riche propriétaire qui voulait fiancer sa fille à un vieil attaché d’ambassade dont la bêtise était légendaire, mais ce dernier hésitait entre épouser une riche veuve ou vendre un bois qui lui appartenait près de Nantes… Il me demanda conseil car à l’époque j’étais son domestique… Mais moi je le méprisais et n’étais occupé qu’à le berner… Dans les lumières de la ville, je cherchais une brave femme pour devenir un homme accompli… Je passais mes journées au café, en compagnie des menteurs et des femmes jalouses et curieuses… Mon maître n’était humain et bon qu’en état d’ébriété… Sobre, il n’avait plus qu’un comportement et des réactions de classe. Il reniait et bafouait durement ses amis de naguère ainsi que les humbles compagnons de son ivresse… Moi j’avais rencontré à Nantes plus d’un charlot dans ces lumières de la ville… et si l’adversité ne me décourageait point, je m’étais toujours montré au sein du bonheur, accessible à l’inquiétude… Les hommes sont des victimes ahuries et ballottées en tout sens… Mais moi, si j’étais victime parfois, j’étais aussi juge, et le plus clairvoyant des juges, notamment à l’égard de mon maître à qui j’infligeais la pire des humiliations en quittant son service un 24 décembre au soir, car je ne supportais pas ses familiarités… La condition de maître des hommes les pousse à la lâcheté et à la méchanceté… Certains, plus solides ou plus chanceux échappaient en partie à cette servitude… Je pense que si les fautes sont superficielles, l’erreur est profonde… Je me mis à fréquenter des bons à rien… Nous étions des sortes de clochards philosophes… Rien n’égalait alors la robustesse de leur bon sens… Ce sont des ivrognes qui suscitent le rire… Pendant ce temps là, la contrebandière et la vachère me faisaient de l’oeil… tout comme la pharmacienne et la téléphoniste du village… Elles trompaient leurs maris avant d’aller danser et dîner au château… J’étais bientôt devenu un homme et dans les eaux troubles de cette résurrection… ces filles-là, le maître, sobre, les chassait après les avoir insultées. C’est un maître maçon qui m’avait appris que pour venir à bout des éléments qui font s’effondrer l’église qu’il est en train de bâtir, il devait sacrifier sa propre femme… L’édifice ne pouvant l’emporter que sur le mystère de la nature destructrice… Il divorça… Moi, quand je me retrouvais seul, célibataire, une bergère, une pêcheuse, une nonne et une bagnarde me furent finalement adjointes aux quatres coins du monde… J’étais incompris par la foule mais je fus compris par Dieu…