Overblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog

Littérature et poésie

COMMENT J'AI DISPARU

Nous étions une bande de rescapés terrés au fond d’une caverne et désoeuvrés

Face au couchant du soleil, dans le port de Nantes où baignent des navires perdus

J’essayais de croire en ce que je n’ai jamais cru

Et survivant dans une autarcie que menaçaient les conflits collectifs

L’ère glaciaire numéro 4 allait prendre fin et moi je ramais sur mon frêle esquif

Je me réfugiais dans cette arche en toc qui était un piège de plus

Homme sans qualités, j’avais Rome aux trousses en la personne de son capitaine Maximus

Projeté dans l’aventure par une perte totale d’identité

Défiguré par une expérience alchimique due à un sabbat trop arrosé

Devenu paranoïaque en observant des insectes rares dans mon verre de tequila

Dans un village que le sable du Sahara ensevelissait déjà

Je ne savais plus si je cherchais ma petite amie ou si j’étais moi-même traqué

J’éprouvais de la défiance à l’égard de toute collectivité

La reconnaissance sociale m’avait tourné le dos

J’avais la haine du pouvoir, je devais repartir à zéro

Le fanatisme militariste et religieux avait conquis la planète

La hantise du danger nucléaire planait sur nos têtes

 

J’ai disparu de la circulation, il y a de cela dix ans

Alerté par les astrologues que ce serait soit la prison, soit partir les deux pieds devant

Putain de fatalité, putain de société de merde

Vous faisiez vos magouilles pendant qu’on se faisait coffrer pour deux ou trois boxes d’herbe

Aujourd’hui rien n’a changé dans le quartier

Mais moi je reviens plus fort que jamais parce que j’ai vécu et parce que j’ai aimé

 

J’occupe volontairement une position marginale

Vivant dans une petite hutte à Gavra, je suis l’un des sept crânes de cristal

Je ne me reconnaissais plus dans mon miroir

Ma propre carte de visite m’étonna une fois atterri dans la nuit noire

La fille d’Angus, au delà des flots agités de la mer, ne me parlait plus dans son sommeil

Une auscultation médicale me révéla que j’avais cassé une de mes oreilles

Lors d’une promenade au zoo, je vis tous les animaux embusqués

Je me retrouvais embarqué dans un procès onirique où j’étais l’accusé

Peu à peu je sentis se dissoudre mon identité

Etais-je Danéen ou Normand, Breton ou Irlandais ?

Comment vaincre le monstrueux Fomoiré qui de ses écailles me voilait la vue du Paradis

Mon corps se liquéfiait à l’aube de l’Oubli

J’étais face à un mur, mais je fonçais dedans sans me soucier du choc

Drôle de blague pour une drôle d’époque !

Je m’imaginais dans une machine qui me transformerait en blaireau

Prince des dieux rusés et des bourreaux

 

J’ai disparu de la circulation, il y a de cela dix ans

Alerté par les astrologues que ce serait soit la prison, soit partir les deux pieds devant

Putain de fatalité, putain de société de merde

Vous faisiez vos magouilles pendant qu’on se faisait coffrer pour deux ou trois boxes d’herbe

Aujourd’hui rien n’a changé dans le quartier

Mais moi je reviens plus fort que jamais parce que j’ai vécu et parce que j’ai aimé

 

J’entendis le doux nom d’Ossian me révéler que ma femme m’attendait

Pour elle seule j’avais fait des milliers de chansons à succès

Je disparus en plein mois d’août alors que sévissait la milice

Ma mère interrogée fut incapable de répondre à la police

L’enquête ne donnant aucun résultat probant

Je fus déclaré mort car disparu depuis trop longtemps

C’est ainsi que débarrassé de mon identité

Je pus revivre tout comme le Christ ressuscité

Je m’installais dans ce village qui s’enfonçait inéluctablement dans le Sahara

La meute me chassait toujours mais je lui échapperais cette fois

Le sable, mesure du temps, image du flux irrépressible de la vie

C’était une étape vers le pays où les Fenians s’étaient retirés loin d’ici

Et je me disais que je traverserai la mer sur un cheval ailé

Pour atteindre ces vallées qui m’étaient cachées

M’étant établi chez cette femme qui luttait contre l’invasion du sable

Je me retrouvais prisonnier, victime d’une conjuration des villageois

 

J’ai disparu de la circulation, il y a de cela dix ans

Alerté par les astrologues que ce serait soit la prison, soit partir les deux pieds devant

Putain de fatalité, putain de société de merde

Vous faisiez vos magouilles pendant qu’on se faisait coffrer pour deux ou trois boxes d’herbe

Aujourd’hui rien n’a changé dans le quartier

Mais moi je reviens plus fort que jamais parce que j’ai vécu et parce que j’ai aimé

 

J’étais donc prisonnier du sable, en stress

Sous la surveillance de cette femme qui pourrait être une ogresse

Je fus pris en charge par un chien fantôme qui avait une oreille rouge

Mais la lune brillait à l’Occident pâli avant que le soleil ne bouge

Et je regardais les hermines manger les poissons

Dans la forêt de Brocéliande où je m’étais retiré fou, ivre de passion

J’avais été défiguré par une expérience alchimique étant enfant

Mon visage était toujours dissimulé par un pansement

Ma personnalité s’était déconstruite peu à peu dans mon jeune âge

Mes rapports se dégradèrent avec ma petite amie, je ne captais plus ses messages

Malgré les roses de Damas, en fleurs amoncelées, que je lui envoyais

Mes tentatives de dialoguer avec elle n’eurent aucun succès

Autrefois les femmes montraient leurs parties naturelles sans honte, aujourd’hui même leur visage est parfois caché

Drôle d’époque où les hypocrites surveillent les hommes qui ont perdu leur identité

Une lettre finale de ma petite amie me révéla qu’elle n’avait pas été dupe

Elle m’avait reconnu sous mon masque et avait feint de céder à un inconnu

 

J’ai disparu de la circulation, il y a de cela dix ans

Alerté par les astrologues que ce serait soit la prison, soit partir les deux pieds devant

Putain de fatalité, putain de société de merde

Vous faisiez vos magouilles pendant qu’on se faisait coffrer pour deux ou trois boxes d’herbe

Aujourd’hui rien n’a changé dans le quartier

Mais moi je reviens plus fort que jamais parce que j’ai vécu et parce que j’ai aimé

 

J’avais donc disparu et tout le monde avait les yeux grands clos

J’étais passé par le tertre des Fir Blogs pour la dernière fois ce matin là, tôt

Les lampadaires étaient éteints et les insectes se noyaient dans les profondeurs de la terre

Les ténèbres quittaient la ville à flanc de colline et je m’étais dirigé vers le cimetière

Si blanche, si proche du ciel gris, la cité semblait radieuse

Ou peut-être était-ce un merveilleux matin bleu, lorsque les rues sont brumeuses

Avec une forte brise venue du sud-ouest

Le premier battement de coeur de la cité constituait un signal funeste

L’enquêteur de la police tomba sur une boîte d’allumettes m’appartenant

Arracha quelques renseignements à mes collègues ou à mes amis d’antan

Ma personnalité lui semblait de plus en plus fuyante

Les pistes sur lesquelles il glissait lui semblaient de plus en plus abracadabrantes

Il découvrit une collection de photos de nus féminins dans une boîte dans mon bureau

Il y avait aussi ce trafic de voitures d’occasion dans lequel j’avais trempé ado

Il fut obligé d’abandonner son enquête en cours

Car ma mère n’avait plus d’argent pour le payer pour qu’il mette tout cela au jour

 

J’ai disparu de la circulation, il y a de cela dix ans

Alerté par les astrologues que ce serait soit la prison, soit partir les deux pieds devant

Putain de fatalité, putain de société de merde

Vous faisiez vos magouilles pendant qu’on se faisait coffrer pour deux ou trois boxes d’herbe

Aujourd’hui rien n’a changé dans le quartier

Mais moi je reviens plus fort que jamais parce que j’ai vécu et parce que j’ai aimé

COMMENT J'AI DISPARU
Retour à l'accueil
Partager cet article
Repost0
Pour être informé des derniers articles, inscrivez vous :
Commenter cet article