Littérature et poésie
Il y a une force mystérieuse et incorruptible
De l’instinct de la race
Mais la vraie force, elle est à l’intérieur
Le Diable est vieilli et déséquilibré
Il se peut que je porte des sentiments troubles mais idéalisés
A ma demi-soeur cadette
Et aussi à la grande, femme d’affaires avare
Quant à ma femme Morgane
J’éprouve pour elle une passion toute charnelle
Tandis que mes frères se lancent dans les intrigues politiques
Et toute cette famille
Forme autour de moi comme un choeur qui souligne ma personnalité
Malgré que j’éprouve une succession de défaites et de succès
J’ai connu le fracas des canonnades, le piétinement des chevaux
Les charges de dragons ou de cosaques
Entrecoupés de brefs intermèdes sentimentaux
Et de retours dans ma famille
Une France commençait à mourir
La France politique
Les Dragons de Bonaparte étaient de retour de Russie
Dans le pays des Chouans
La révolte des Torr e Benn grondait
Bonnets rouges et fourches et fusils
Plusieurs fois par semaine
Je faisais le mur pour de lointaines réunions de banlieue
Le bois que j’avais à traverser
Me rendit fou par ses enchantements
Et je manquais de me faire tuer au cours d’une manifestation
Je rencontrais les chefs des clans Daoulas et Mériadec
Qui me proposèrent de faire partie des « meneurs cachés »
De devenir véritablement homme d’action
Et non plus homme de mensonge
De me défaire de ma sensibilité pour épouser la raison
Je portais sur moi des papiers compromettants
Appartenants à la maçonnerie écossaise
Une réunion contradictoire du Parti indépendantiste
Dégénéra en bagarre
Et je fus viré de l’Université de Nantes
Devais-je intégrer un groupe d’hommes dits « supérieurs »
Un Ordre dont les membres sombraient chaque jour un peu plus dans l’occultisme
Des théurges, des théocrates qui maniaient l’énergie de l’esprit
Peu à peu je me séparais du monde
Je dépeçais le dragon de ses écailles
Devenant un ermite recherchant une nouvelle clef
Je fus pris d’une crise de demi-démence
Lors d’un accrochage avec les miliciens républicains
Je consentais à accepter ce cercle quadraturé par les triomphes et les défaites car j’en serai un jour délivré
Mouvements de troupes, batailles, victoires et retraites
Je naquis et grandis entre ma mère, mon grand-père et mes oncles
Qui poursuivaient leur secrète et active existence
Dans l’atmosphère agitée des années 2000
J’étais un garçon trop indépendant pour mon âge
Et profondément frappé comme d’une injustice
Par la mort d’un père que je n’avais pas connu
Je reçus du milieu varié qui m’entourait
Les impressions les plus opposées
Je me pénétrais des principes politiques et éthiques
Les plus disparates
Et ceux-ci se heurtèrent dans mon cerveau d’enfant
Puis d’adolescent ensuite
Créant dans ma pensée un état de trouble
Dont seules me sauvèrent la méditation et la concentration intérieure
A la fin de ma jeunesse tourmentée
Ma raison désormais mûrie avait jugé les hommes, les choses, les évènements
Et mesuré les laideurs de la vie
Malgré les manifestations de la beauté et de l’héroïsme
Je raillais douloureusement le monde
Convaincu de ne pouvoir contribuer au triomphe de la bonté et de la vérité
Je me tournais vers Dieu
Renonçant au dynamisme du monde
Pour prendre un petit chemin parallèle
Recherché par la police, je me dissimulais sous une fausse identité
Un commando Basque-Breton se forma
Fraction clandestine des brigades internationales
Je voulais rassembler tous les esprits lucifériens
Dans une même complicité organisée
Les élus, les apôtres du Christ
Ceux qui portaient la lumière
Car on n’allume pas une lampe pour la cacher
Etudiant communiste
Je brûlais les papiers maçonniques qui m’avaient été confiés
Echappant ainsi à l’incarcération
Pour recruter les membres de cette structure
J’essayais de provoquer des conflits entre les fascistes et les communistes
Les démocrates et les républicains
De les mettre en compétition de façon à sélectionner les élus
En éliminant les insuffisants
Les industriels américains étaient prêts à payer cher
Pour que j’organise la protection de leurs usines de l’infiltration communiste
Mais je montais dans le même temps une organisation anarchiste
Qui commit des attentats dans les mêmes usines
Faisant grimper les prix des contrats
Les prêtres me confiaient certains de leurs procès à plaider
Mais je souffrais de l’intransigeance religieuse de ma mère
Qui pour le salut de mon âme voulait que je reste célibataire
Exilé, je pris part aux mouvements révolutionnaires pour l’indépendance de la Corse
Ce qui réveilla en moi l’âme héroïque de mon père
Officier de l’Algérie
Mais ma faiblesse morale
L’ambiguïté de mon caractère toujours hésitant
Entre l’héroïsme et la prudence
Entre l’idéal et l’intérêt
N’arrivaient pas à se guérir
J’étais attiré par le charme de Viviane
Mon amie d’enfance
Fille d’un républicain de l’Illinois
Mais je craignais la fermeté et la sévérité d’âme de la jeune fille
Et je lui préférais la sensualité espiègle et passionnée de Morgane
Entraîné par l’oncle Ydier dans les milieux révolutionnaires
Je me battis en duel
Et fus admis dans une loge de charbonniers bretons
Ma première mission fut de me rendre en Sardaigne
Pour renouer les liens entre les loges révolutionnaires
Après avoir pris part à un complot
Pour sauver des documents compromettants
Tombés aux mains des carabiniers italiens
Je m’enfuis par la mer direction Porto-Vecchio
Et regagnais Nantes
J’épouserai la force de Viviane
Cette force qui manque à mon âme
Qui me fait me perdre entre mes aspirations héroïques et ma crainte
Je ne m’attachais pas aux commodités de la vie bourgeoise
Je restais un prince et Viviane une princesse
Comme l’Esprit-saint nous étions les parents de l’humanité
Je devins instituteur-guérisseur
Dans la confrérie du silence
J’attachais de plus en plus de prix à la connaissance et à la contemplation
Sortie de l’homme hors du temps
Renonciation à agir sur l’histoire
Je connus qu’il y avait trois sortes de femmes
Junon, la femme originelle, d’une sensualité immédiate et chez qui la conscience sommeille
Athéna, la femme virile, virtuellement ou réellement homosexuelle, qui ne conçoit de rapports avec l’homme que de rivalité
Et Vénus, la femme ultime, qui bien que pleinement féminine, a du mal à réaliser sa féminité car en elle l’éveil de la conscience contrecarre la sensualité
C’est avec elle que l’amour est le plus enrichissant, mais aussi le plus épuisant, et l’homme doit parfois retremper ses forces auprès de la femme originelle
La querelle qui opposait les trois déesses
Fut à l’origine de la guerre de Troie
Guerre dans laquelle je suis encore enlisé
Jusqu’à ce qu’Hector meure
Le démon se changera ainsi en un troupeau de porcs
Qui iront se jeter de la falaise dans la mer
Et je serai guéri de ma folie